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Le Beauf (Mythologie)

Il est toujours bon d’être légèrement décalé, d’être libre-pensant et loin de toutes normes.

Mais certains sont décalés du mauvais côté.

C’est le cas du beauf, un être qualifié de comique sans trop qu’on sache s’il joue un rôle ou si son ignorance est trop grande pour se rendre compte des sourires moqueurs qu’il provoque. 

Son extravagance peut se manifester de diverses manières, comme sa coupe de cheveux, qui se rapproche plus de celles des concours de beauté canins que de celles communément adoptées par les humains (on notera tout de même un aspect « dégarni » dont les chiens sont privés). Sa position, à côté de la plaque du bon-sens, se manifeste aussi dans son prénom, ou la lettre « i » est souvent troquée pour son équivalent Américain, le « y ». Vous verrez alors défiler les Remy, les Kevyn, les Jacky, les Dylan, et les Lenny.

 

Le beauf adopte une drôle de position, car il inspire un certain dégoût, mais couplé d’une admiration. C’est pour cette raison que beaucoup de vacanciers tenteront de s’accaparer ce titre lorsqu’ils se promèneront en sandales de caoutchouc au camping avec une bière à la main, mais retenons que le beauf n’est pas une posture temporaire mais un art de vivre à part entière. 

Cet art s’exprime tout d’abord par un vestiaire ciblé. Vous le trouverez alors souvent avec un jogging judicieusement placé au plus bas de la taille, afin que le ventre tendu ait l’espace d’une dernière inspiration avant d’être englouti par la gueule transpirante du marcel. 

On observe ici un judicieux jeu de matières entre le textile et l’épiderme, avec un caché-dévoilé artistique qui nous offre une subtile bande-annonce d’une nudité suggérée.

Dans une quête d’originalité, le débardeur est généralement orné d’une citation qui ferait pâlir les plus grands esprits, tel que « tout cul tendu mérite son dû «  ou encore « Tsé, j’ai bien envie d’un pastis ». Réel bout-en-train extraverti, il aime partager son patrimoine littéraire avec autrui dans le plus grand des enthousiasmes, comme le laisse entendre sa voix porteuse et accentuée aux saveurs du Sud.

Au sein des territoires méditerranéens, trouver géographiquement un beauf devrait vous être tâche facile. En effet, les beaufs sont de ceux qui se déplacent en mouvement pendulaire, le matin au pub, le soir sur le canapé. Comme toute espèce nonchalante, ils fuiront la capitale pour aller se terrer dans la province (nota bene : par « province » nous entendons ici la cambrousse éloignée de toute notion de métropole, celle où l’on peut se rendre au supermarché en tongs sans être jugé).

Le beauf a beau être casanier, il aime les véhicules. Mais sans pour autant aimer se véhiculer. Ces derniers restent cependant utiles pour certains réjouissements tels que le « tuning », soit le mardi gras automobile, qui offre un véritable théâtre de l’excès . Défileront alors leurs divas laborieuses, ornementées de cils touffus, d’extensions opulentes, de maquillages indigestes, et de fourrures luxuriantes… Ces machines ne servent plus uniquement à transporter, mais aussi à briller au sein des parkings de par leur caractère rebelle et unique, au même titre que leur maître.

Ne vous méprisez pas à l’égard du beauf, même en idolâtrant la voiture, il reste un grand adepte d’activité physique. Il est tout d’abord passionné de foot, bien que les maillots dont ils se revêt pour se pavaner au pub doivent plus connaître la moiteur de la bière que celle de la sueur de l’effort. Dans un tel contexte, il pourrait d’ailleurs gueuler un autre de ses emblèmes « belle descente ! Je n’aimerai pas me la farcir à vélo celle-là ». Mais le sport ou il se trouve être le plus redoutable, ce sont « les boules » (pour vous, parisiens, entendez par ici « la pétanque »). Par delà ses bienfaits cardiovasculaires et son rôle primordial dans un renforcement musculaire intensif, la pétanque est ici appréciée pour sa convivialité.

En effet, elle est la parfaite opportunité pour se livrer aux plaisirs de l’apéro. L’apéro est d’ailleurs le tableau idéal et véridique pour analyser le cadre de vie d’un beauf. Au niveau olfactif, attendez-vous à des effluves de chipolatas ou de saucisse toulousaine, car pendant l’apéro, on prépare le repas pour éviter de se retrouver face à une période de vacuité alimentaire. Si vous tendez l’oreille à travers les rires gras et les crépitements du barbecue, vous entendrez sans doute du Johnny Hallyday émaner d’une petite radio miteuse et grésillante (veuillez noter le nombre important de « y » présents dans le nom de cet artiste). Sur la table, des mouches intrépides danseront la sarabande entre une farandole de piquettes et d’alcools anisés, une ronde de charcuterie et une fanfare de fromages à pâte molle, sur lesquels les insectes arriveront à destination. Voilà l’eldorado du beauf. 

Malgré ses extravagances, son caractère bien trempé et ses  habitudes de vie singulière, 

le beauf réveille en nous une certaine affection, il fait partie de ces gens qui sont attachants sans qu’on puisse s’y justifier. Peut-être nous transporte-t-il dans cet idéal d’insouciance et de frivolité dans lequel notre quotidien n’oserait tremper le bout de ses orteils vernis et limés. Le beauf lui, se plonge nu et tout entier dans les eaux de la négligence, et se réjouit de bien vivre pendant que nous autres le critiquons depuis la berge abrupte et desséchée.

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